Les jouets ont un sexe!

Alors que le nombre de parents qui se partagent les tâches ménagères augmente, les filles bercent toujours leurs poupées et les garçons se battent encore avec des épéesjouets 1

Depuis la nuit des temps, les mômes imitent leurs parents dans leurs jeux. On imagine aisément une gosse préhistorique balayer l’entrée de la grotte familiale pendant que son frère plante sa lance dans le flanc d’un mammouth imaginaire.

Or, aujourd’hui, à l’heure de l’égalité des sexes, les enfants s’obstinent à vouloir des jouets qui collent toujours aussi parfaitement aux rôles convenus de la mère au foyer et du père protecteur.

«Les jouets sont le reflet de la société, relève Marimée Montalbetti, conservatrice du Musée suisse du jeu, à La Tour-de-Peilz. Mais on peut se demander si les jouets suivent les changements de société ou s’il y a décalage.» Décalage?

Pas vraiment, dans le sens où une grande partie de la population vit de manière traditionnelle. Et comme les joujoux servent à se conformer au schéma standard, il n’y a aucune raison – sauf exception – pour que tout à coup les petits gars rêvent d’une Barbie et les fillettes d’un fusil à rayon laser ou d’une voiture Batman.

D’autant plus que les gosses doivent commencer, dès la première année de leur existence, à construire leur identité sur la base, d’abord, de la différenciation sexuelle.

A partir de 2 ou 3 ans, les géniteurs peuvent d’ailleurs observer des signes très nets de masculinité chez les garçons et de féminité chez les filles. «C’est tellement vrai que même les briques Lego, que l’on croyait pourtant asexuées, sont disponibles également en rose pour que les filles aient envie de jouer avec», constate Marimée Montalbetti.

Psychiatre, psychanalyste et sexologue de renom installé à Genève, Georges Abraham s’interroge sur l’importance de l’inné et de l’acquis dans ce processus: «Si votre fils va vers le pistolet, est-ce vraiment naturel ou bien a-t-il subi une certaine forme de conditionnement? Et s’il joue à la poupée, ne serez-vous pas interloqué?»

Qu’on le veuille ou non, les gamins cèdent souvent à la pression sociale, à l’image de ces nombreux garçons qui – ainsi que l’a révélé une enquête française – n’osent pas réclamer une poupée de peur de décevoir leur famille, compensant ce désir refoulé à l’aide d’un bon vieux nounours. Pour lutter contre ces clichés, faut-il alors offrir la panoplie de la parfaite «Putzfrau» à Corentin et la tenue de combat de Rambo à Pauline?

Pas de règles précises en la matière. Cela peut très bien faire plaisir à Pauline et à Corentin, les laisser totalement indifférents ou encore blesser à mort leur orgueil.

En ce qui concerne les cadeaux, le mieux consiste à répondre à leur désir. Même si Pauline demande un balai? «Ce n’est pas parce qu’elle recevra un balai qu’elle deviendra ménagère», sourit Marimée Montalbetti.

Et si c’est Corentin qui supplie à genoux pour avoir ce fameux balai, est-ce que cela signifie qu’il sera homosexuel plus tard? «Non! Non! s’exclame le Dr Abraham. Le choix de tel ou tel jouet ne constitue pas une sorte de test de l’orientation sexuelle future de l’enfant.» Sans oublier que Corentin s’amusera peut-être à transformer ledit balai en cette fantastique carabine que ses parents refusent justement de lui acheter…