Papaaaa, on fait un jeu?

Diantre, sa chambre déborde de jouets et pourtant il n’arrive pas à s’amuser tout seul!jeu papa

Edmond est un bon garçon, mais il a un terrible «défaut». Enfin, c’est ce que pensent ses parents… Edmond ne parvient pas à s’occuper seul. «On fait un jeu?» répète-t-il à longueur de journée. Ses géniteurs en ont marre! Ils n’arrivent pas à comprendre le comportement plutôt exaspérant de leur rejeton. Ce dernier souffrirait-il d’un manque flagrant d’autonomie?

«Avant 3 ans, un tout-petit n’a pas envie d’être seul et c’est légitime, estime la psychologue clinicienne Etty Buzin. Il a beaucoup à recevoir, à prendre et à apprendre des adultes.» Cet accompagnement nécessaire et rassurant lui permettra ainsi de développer – comme l’a décrit le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Woods Winnicott – «sa capacité de solitude».

Alors, pourquoi Edmond, qui est plus grand, réclame-t-il toujours son père ou sa mère chaque fois qu’il souhaite s’amuser? Auteur de Papa, Maman, laissez-moi le temps de rêver (Albin Michel), la psy précitée avance deux hypothèses: «Soit il est laissé pour compte, soit il est complètement dépendant.» Dans le premier cas, cela signifie sans doute que le diablotin a besoin de sentir que ses parents s’intéressent à lui, sont là pour lui. «J’interprète de plus en plus cet ennui comme une demande de présence parentale», précise d’ailleurs notre interlocutrice.

Dans le second cas, c’est exactement l’inverse: les géniteurs en font trop! Ils ne laissent pas une minute de répit à junior, s’arrangeant pour noircir son agenda de ministre et l’occuper à plein temps. Résultat: il ne supporte pas d’être isolé, ne serait-ce que quelques secondes. Etty Buzin: «Il est évident qu’un enfant, qui a eu l’habitude qu’on lui mâche tout et qu’on anticipe tout, ne trouvera pas son autonomie propre.»

Trop et trop peu gâtent tous les jeux! «Dans l’éducation, c’est toujours la même histoire, sourit la psychanalyste française. Il faut essayer de trouver le juste milieu. Ne pas confondre détachement avec abandon. Autrement dit, être quand même disponible, pouvoir être sollicité et aussi, de temps à autre, proposer des activités ludiques.»

Pratiquement, il s’agit d’être présent sans être écrasant. Probablement trop collants, les parents d’Edmond devraient avoir davantage foi en lui, se convaincre que leur minot ne risque rien même s’il s’éclate loin de leur regard protecteur, et arrêter enfin de culpabiliser quand, parfois, il n’a rien à faire et «glandouille». Ces temps morts offrent en effet à Edmond une occasion de développer son imagination, de chercher des ressources en lui-même et donc de devenir autonome.